Inondations et assurance: c’est encore plus compliqué pour les copropriétaires

Publié dans le Journal de Montréal - 14 août 2024 - On peut lire le texte ici

Lorsque se produit un événement météo extrême, comme les pluies de vendredi dernier, et qu’on est sinistré, comme copropriétaire, faire une réclamation à son assureur peut ressembler à un parcours du combattant.

Dès que vous constatez des dommages à votre condo, contactez le copropriétaire qui siège au conseil d’administration de votre syndicat de copropriété (pour les petits immeubles) ou votre gestionnaire (pour les gros immeubles). Car il faut rapidement documenter les dégâts. Et c’est là que ça se complique.

Car l’assurance des copropriétés est partagée entre celle du syndicat (ou de l’immeuble) et celle du copropriétaire. En plus du bâtiment (espaces communs: murs extérieurs, toiture, fenestration, fondations, garage, terrain, corridors, gym, hall d’entrée, etc.), l’assurance du syndicat couvre aussi l’enveloppe intérieure et les systèmes de chaque unité (murs, planchers, plafonds, systèmes de chauffage partagés, tuyauterie, ventilation, etc.).

Par contre, l’assurance habitation du copropriétaire se limite à ses biens personnels (meubles, bibelots, vêtements, électronique, informatique, équipement de plein air, etc.). Si vous devez loger à l’hôtel, c’est votre assurance habitation individuelle qui couvre les frais de subsistance.

Dommages

« Que ce soit un refoulement d’égout ou de la pluie qui pénètre au huitième étage, le syndicat de copropriété doit faire une déclaration écrite de sinistre auprès de l’assureur de l’immeuble, précise Me Yves Joli-Coeur, avocat expert de la copropriété. Cette déclaration est soit préparée par les administrateurs du syndicat (pour les petits immeubles) ou le gestionnaire de la copropriété (pour les gros). »

Cette déclaration couvre les dommages de tout l’immeuble, parties communes et privatives (les unités sinistrées). Elle comprend des photos et des descriptions écrites les plus détaillées possibles. Elle sera vérifiée et complétée par l’expert en sinistre de l’assureur.

De son côté, le copropriétaire effectue sa propre déclaration avec son assureur habitation. Là où ça se complique, c’est que si ce copropriétaire a effectué des rénovations ou changé les finis, ceux-ci sont couverts par son assurance individuelle, pas celui de la copropriété.

Par exemple: vous avez changé vos armoires en stratifié pour de l’acajou, les comptoirs en Arborite pour du marbre, la marqueterie pour du bois d’ingénierie, vous devez le signaler à l’assureur. Il faut aussi lui transmettre la description des parties privatives avec les finis d’origine, pour que votre assureur individuel puisse vous rembourser le différentiel.

Normalement, vous auriez obtenu cette description au moment d’acheter l’unité auprès du promoteur, du notaire ou de l’agent d’immeuble. Et cette description doit avoir été adoptée par l’assemblée des copropriétaires, sinon l’assureur pourrait refuser de vous indemniser le différentiel. Mais nombre de copropriétés n’ont aucun document décrivant les finis d’origine...

Franchises

Une fois les travaux après-sinistres complétés, les assureurs s’entendent pour se partager les coûts. Ensuite, l’assureur du syndicat rembourse le syndicat, celui-ci fait de même avec les copropriétaires concernés. L’assureur individuel de chaque copropriétaire le fait de son côté...

À noter: les assureurs versent des indemnités après avoir déduit les franchises de chacun, soit le montant assumé personnellement par chaque copropriétaire et par le syndicat.

Le problème, c’est que certaines copropriétés n’ont pas assez d’argent ou n’ont pas constitué de fonds d’autoassurance, tel que prévu par la loi, pour couvrir la franchise de l’immeuble, qui est souvent très élevée. Pire, certains syndicats n’ont pas d’assurance!

Dans tous ces cas, le syndicat doit assumer les coûts de reconstruction (y compris pour les parties privatives) et prélever une cotisation spéciale d’urgence. Pour certains copropriétaires, ça peut totaliser plusieurs dizaines de milliers de dollars. À payer d’ici 30 ou 60 jours.

D’autant plus que le fonds d’autoassurance ne couvre pas... les inondations (ou les tremblements de terre). La copropriété doit donc avoir un compte de banque bien garni, ou piger dans son fonds de prévoyance et le renflouer à coups de cotisation spéciale salée.

Les syndicats doivent donc s’assurer que la bâtisse dispose d’une couverture additionnelle d’assurance pour les inondations. Dans certains secteurs, c’est impossible ou ça coûte les yeux de la tête.

CONSEILS

· L’assurance de la copropriété est très technique. Pour les petits immeubles, appelez votre assureur ou votre courtier pour connaître les limitations de votre contrat.

· La plupart des copropriétés ont fonds de prévoyance et d’autoassurance inadéquats, qui ne couvriront pas la valeur des travaux d’entretien ou des sinistres. Or, contrairement à certains préjugés, des fonds adéquatement capitalisés augmentent la valeur de la copropriété. Ils diminuent aussi la facture d’assurance de l’immeuble.

· Si le coût des dommages est supérieur à votre couverture d’assurance et celle du syndicat, vous êtes peut-être admissible à une aide du ministère de la Sécurité publique. C’est au syndicat (ou au gestionnaire) à faire la démarche.

Précédent
Précédent

Inondations et assurances: que faire lorsque le pire se produit... ou pour l'éviter à l'avenir

Suivant
Suivant

Une application québécoise veut prendre sa place dans nos écoles