Pamplemousse

Stéphane Desjardins et son fils Arnaud, en 1990. 

Petite histoire de Pamplemousse Communications

Pamplemousse Communications inc. est née dans une période trouble, typique de la « génération x ». On souffrait alors de la récession du début des années 1980, qui s’illustre par le plus haut taux d’inflation en plus de 30 ans, à 11%. En 1981, les taux d’intérêt pour les prêts personnels jouent dans les 23%. Une hypothèque se négociait à un sommet historique de 21,46%. Les faillites personnelles bondissent de 573% en un an au pays, qui connaît un taux de chômage qui frôle les 20% chez les jeunes de ma génération. En 1982, à Boisbriand, par exemple, 40% de la population active est en chômage ou bénéficiaire de l’aide sociale.

En 1983, j’étais un jeune journaliste fraîchement sorti de l’Université du Québec à Montréal, très idéaliste et un peu insolent. Les salles de nouvelles n’embauchaient personne. Les médias boudaient les jeunes journalistes pigistes. J’arrivais à peine à vendre un texte par mois. Il fallait tirer son épingle du jeu.

J’ai décidé de me lancer en affaires en vendant mes talents de scribe et de graphiste, que j’avais développés au journal étudiant le 3 e Œil du cégep Saint-Laurent (dont la devise était « Toujours au front »). C’était la glorieuse période de la Sainte Trinité de l’industrie naissante de l’infographie: le nouvel ordinateur Macintosh, le logiciel PageMaker et l’imprimante au laser. Moi qui avais commencé à écrire mes textes sur une dactylo manuelle, c’était toute une révolution.

Je devais trouver un nom pour mon entreprise. Alors que j’étais en voyage chez mon ami photographe Avard Woolaver, encore étudiant à la Toronto Metropolitain University (connue alors sous le nom de Ryerson), ce dernier me lance que nous, les francophones, « have a word for everything, like… Pamplemousse! » J’avais trouvé!

J’ai donc fondé Pamplemousse Communications en crachant 25$ au Palais de justice de Montréal pour une société enregistrée (deux ans plus tard, je l’incorporais). Le fonctionnaire me souhaite bonne chance dans ma quête de mon premier million! J’étais sans le sou et je me suis endetté de 15 000$ (près de 44 000$ de nos jours en dollars constants) pour acheter mon Mac, mon imprimante, mon modem et un disque dur Dataframe de 2 Mo, une bête hallucinante pour l’époque, qui se détaillait 2000$.

J’ai rapidement recruté comme client le quotidien Le Devoir. Après quelques essais, le rédacteur en chef (aujourd’hui décédé) Paul-André Comeau, un chic type, me recrute comme chroniqueur pour l’éphémère cahier Dans les studios. Feu Christian Lamontagne, fondateur du magazine du nouvel âge Le Guide Ressources, me confie la chronique de musique new age. Je vends aussi des recensions de bandes dessinées au distributeur (aujourd’hui disparu) Granger, qui commercialise toutes les BD belges de l’éditeur Dupuis (Gaston Lagaffe, Spirou). Je produis enfin quelques textes corporatifs pour l’agence Cossette. Ma carrière est lancée! Le reste, comme on dit, c’est de l’histoire…

Petite histoire de Pamplemousse.ca

En 2013, j’ai fondé le réseau de journaux hyperlocaux Pamplemousse.ca, présent dans trois territoires de Montréal: Mercier-Est dans l’arrondissement Mercier—Hochelaga-Maisonneuve, l’arrondissement du Plateau Mont-Royal et la Petite-Patrie (qui comprend la Petite Italie) dans l’arrondissement de Rosemont—La Petite-Patrie.

Ces journaux 100% numériques rejoignaient le public par internet, par abonnement à des infolettres et par les réseaux sociaux. Ils connurent un immense succès. Très rapidement, Pamplemousse.ca a rejoint des dizaines de milliers de lecteurs chaque semaine et comptait plusieurs milliers d’abonnés. Le taux d’ouverture des infolettres était supérieur à ceux des grands médias.

Rien que dans Mercier-Est, nos statistiques indiquaient que nous avions rejoint un habitant sur deux. Dans le Plateau et la Petite-Patrie, l’équivalent de 25% à 30% de la population consultait nos pages. Chaque semaine, entre 50 000 et 70 000 personnes lisaient nos articles. Chaque journal publiait entre un et deux textes par jour, du lundi au vendredi.

Pamplemousse.ca proposait des « nouvelles fraîches » dans les quartiers où le réseau s’était implanté. Sa renommée était telle auprès des organismes locaux que certains affirmaient que leur conférence de presse pouvait commencer, car « le journaliste de Pamplemousse vient d’arriver ».

Notre scoop sur le projet de l’imam Chaoui, un islamiste radical, de fonder un centre communautaire dans Mercier-Est, a été vu par 2,2 millions d’abonnés Twitter et forcé les maires Réal Ménard et Denis Coderre à changer la réglementation municipale.

Nous appliquions les plus hauts standards d’éthique journalistique et le public le reconnaissait. Au lancement de nos opérations dans le Plateau, nous avions écrit sur le stationnement sur la rue Laurier. Les critiques de l’administration du maire Ferrandez nous reprochaient d’être son porte-voix, ceux qui appuyaient Projet Montréal nous accusaient d’être trop critiques. Je leur avais répondu que comme ils nous haïssaient à l’unisson, on avait fait notre travail. Rapidement, lecteurs, élus et élites locales ont reconnu notre indépendance journalistique.

Pamplemousse.ca avait une structure légère, typique des entreprises du web: aucun siège social, opérations 100% numériques, les membres de l’équipe travaillaient sur la route. Chaque journal avait un journaliste pigiste travaillant à temps partiel et l’organisation comptait un éditeur, une cheffe de pupitre et une vendeuse de publicité. Nos journalistes Marie-Eve Cloutier, Anne-Marie Tremblay et Simon Van Vliet, ont connu une belle carrière journalistique.

L’équipe de Pamplemousse.ca en réunion: Linday-Anne Prévost, journaliste dans la Petite-Patrie, Sophie Lalumière, représentante, Stéphane Desjardins, éditeur, Marie-Eve Cloutier, cheffe de pupitre, et Anne-Marie Tremblay, journaliste dans Mercier-Est. (Photo: Simon Van Vliet).

L’équipe de Pamplemousse.ca en plein travail: Linday-Anne Prévost, journaliste dans la Petite-Patrie, Anne-Marie Tremblay, journaliste dans Mercier-Est, Simon Van Vliet (et son fils), journaliste dans le Plateau Mont-Royal, Stéphane Desjardins, éditeur, Lucie Hortie, responsable des calendriers, et Pierre de Barrigue de Montvallon, journaliste.

Entrevue avec Michel Rivard et Anne-Marie Cadieux, lors de la « crise de vignettes de stationnement", rue Laurier, à l’été 2015. Photo: Stéphane Desjardins

L’auteur compositeur interprète Michel Rivard et la comédienne Anne-Marie Cadieux, résidentes du Plateau Mont-Royal, interviewés par amplemousse.ca lors d’une manif contre la suppression de places de stationnement sur la rue Laurier par l'administration Ferrandez, en 2014. (Photo: Stéphane Desjardins)