Faire l’erreur d’acheter une maison trop loin et trop grande

Publié dans le Journal de Montréal - 1 février 2025 - On peut lire le texte ici

Une vieille maxime américaine fait partie de la réalité de la vie de banlieue depuis que ce concept existe : drive until you qualify (éloignez-vous du centre-ville jusqu’à ce que vous puissiez vous qualifier pour un prêt hypothécaire). Pour accéder à la propriété, les jeunes ménages doivent s’établir toujours plus loin des quartiers centraux, dans des banlieues de plus en plus étendues.

À une époque où le prix de l’essence était dérisoire et que les voitures ne se vendaient pas autour de 50 000 $ en moyenne, cette maxime avait un certain sens. Plus maintenant.

Vivre loin de son lieu de travail implique d’acheter une voiture par adulte et de passer davantage de temps dans le trafic qu’avec ses proches. Ainsi, le ménage canadien moyen consacre 18,5 % de ses revenus au transport, plus que l’alimentation (14,9 %), selon Statistique Canada (2023). Nombre de banlieusards paient autant pour se loger que pour se transporter !

L’étalement urbain pèse de manière insoupçonnée sur la qualité de vie. En 1975, 70 % des enfants allaient à l’école à pied ; aujourd’hui, c’est 30 %. En 2022, les banlieusards montréalais ont perdu 180 heures dans les bouchons de circulation ; ceux de Québec 111 heures, selon une étude du fabricant de GPS TomTom. Ce sont des moyennes. Mais 180 heures, ça représente plus d’une semaine.

Que de temps perdu !

C’est aussi beaucoup d’argent perdu. L’idée de consacrer le cinquième de ses revenus à un objet (l’automobile) qui ne sert que 5 % du temps et qui se déprécie annuellement de 20 % à 25 % est complètement illogique du point de vue financier, mais la majorité des gens tombent dans ce piège sans se poser de question. C’est la force du marketing.

Acheter trop grand

Le marketing, les émissions de décoration ou le phénomène des voisins gonflables font des ravages chez les acheteurs de maisons.

Une bonne part achète trop gros, trop grand. L’être humain est grégaire et influencé par le paraître : la vie en troupeau coûte souvent très cher.

Avez-vous besoin d’un hall avec un escalier monumental autour d’un lustre de cristal ? D’un powder room ? D’un California closet ? Certaines penderies pourraient loger une famille au complet. Le sous-sol doit-il -absolument être assez grand pour loger un cinéma maison, un billard et une table de ping-pong ? Le spa ou la cuisine d’été sont-ils indispensables ? Faut-il que chaque membre de la maison ait sa salle de bain ? Les chambres d’aujourd’hui sont démesurées ; elles ne servent pourtant qu’à dormir ou à agrandir la famille.

« Moé, j’ai un garage ; un gros garage », clame Elvis Gratton, dans Les vacances d’Elvis Gratton. J’ai lu quelque part que le garage de la maison unifamiliale d’aujourd’hui est aussi grand qu’un bungalow typique des années 1940. En fait, en 1971, une maison de 1200 pieds carrés était jugée adéquate et considérée comme la norme. Seuls les médecins ou les gens d’affaires pouvaient rêver d’habiter dans 2000 pieds carrés ou davantage. En 2018, la superficie moyenne des unifamiliales, en Amérique du Nord, dépassait les 2200 pieds carrés. Comparés au reste de la planète (et aux palaces des ultrariches), nous avons les maisons les plus spacieuses qui puissent être.

Une chance que le resserrement post-pandémique du marché du crédit en ramène certains à la raison. Malgré tout, ceux qui achètent encore trop grand paient cher le financement de leur rêve de vie. Acheter une maison devrait être avant tout un projet, pas un rêve. Et un projet se planifie dans le détail.

D’autant plus qu’acheter une maison trop grande pour ses besoins, c’est multiplier les pieds carrés qu’il faudra entretenir, assurer, chauffer, climatiser et éclairer à grands frais.

On peut succomber à un coup de cœur, du moment qu’il répond à des critères précis, préalablement établis avant la visite.

Vous aimez cet extrait ? Lisez le livre Louer ou acheter de Stéphane Desjardins pour en apprendre plus sur l’achat d’une propriété !

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