Se lancer en affaires : les Québécois plus frileux que les Canadiens

frileux en affairesPublié dans Le République, 26 avril 2013

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L’entrepreneuriat séduit de plus en plus les Québécois. Mais nous hésitons plus que nos voisins du reste du Canada à faire le grand saut.

C’est ce qu’illustre le cinquième Indice entrepreneurial réalisé par la Fondation de l’entrepreneuriat, avec la collaboration de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui vient de paraître. Il s’agit du plus important sondage sur les entrepreneurs actuels et en devenir au Québec, réalisé par Léger Marketing.

« Les Québécois sont de plus en plus séduits par l’idée de se lancer en affaires. Mais, du même souffle, ils manquent d’ambition si on les compare à nos voisins du reste du Canada », déclare Rina Marchand, directrice principale, développement des produits et innovation à la Fondation de l’entrepreneuriat.

De fait, l’indice permet de constater que l’écart entre le Québec et le Rest of Canada (ROC) diminue d’année en année dans la volonté d’entreprendre. Les Québécois manifestent de plus en plus d’audace, mais, c’est une contradiction, manquent de confiance en eux. Ainsi, 14,8% des Québécois pensent se lancer en affaires contre 21,2% dans le ROC. Mais seulement 6,3% ont passé à l’action, contre 9% chez nos voisins. Pourtant, 78,7% des Québécois considèrent l’entrepreneuriat comme une carrière désirable, contre 69,7% dans les autres provinces.

Mentalité de quêteux

Les Québécois ne croient pas en leurs compétences et, surtout, blâment le manque de financement comme obstacle au désir d’entreprendre. Fait inquiétant, au Québec, on compte avant tout sur un coup de main du gouvernement en matière de financement, avec 27,8%. Dans le ROC, cette donnée passe à 8%. Pourtant, habituellement, les entrepreneurs se lancent en affaires en prenant de grands risques, comme y canaliser toutes leurs économies ou en hypothéquant leur maison. Malgré cela, au Québec, 27,6% nos entrepreneurs en devenir entendent puiser dans leurs économies personnelles, contre 45,4% dans le ROC.

« On a encore une mentalité de main tendue, commente Mme Marchand. On cherche la sécurité et la facilité. »

Les Québécois sont-ils également moins agressifs en affaires? Si on leur demande s’ils souhaitent, un jour, que leur entreprise perce à l’international, seulement 15,2% répondent par l’affirmative. Dans le ROC, c’est 31,6%. « On dirait que nos entrepreneurs songent davantage à peaufiner leur produit qu’à le vendre », commente Rina Marchand.

De bonnes nouvelles

À l’évidence, notre héritage culturel, fortement influencé par les stigmates de la Conquête britannique de la Nouvelle France et le catholicisme, qui condamnait la notion de profit, a laissé des traces. Mais le changement se fait sentir.

Car l’indice permet de constater que, contrairement à autrefois, où la réussite en affaires était suspecte, les entrepreneurs sont désormais admirés des Québécois. « C’est clair : 92,7% des Québécois considèrent que l’entrepreneuriat est important pour le développement économique et la prospérité du Québec, ajoute Mme Marchand. C’est désormais acquis que c’est important d’avoir des entrepreneurs. »

Ce qui surprendra davantage sociologues, historiens et autres experts de la société québécoise : 68,4% des Québécois croient les entrepreneurs généralement honnêtes, contre 60,5% des Canadiens hors Québec. Mieux : 90,3% des Québécois estiment que l’entrepreneuriat est une manière juste et équitable de s’enrichir! C’est plus qu’au Canada anglais, où cette donnée se situe à 80,5%.

Ceux qui croient encore que les anglophones ont davantage que nous le capitalisme dans le sang devront faire le ménage dans leurs préjugés : « C’est une bonne nouvelle alors que nous sommes en pleine commission Carbonneau, reprend Mme Marchand. Mais il reste du travail à faire. Car, collectivement, nous faisons confiance en nos entrepreneurs, mais pas envers soi-même pour le devenir. »

L’indice confirme cette tendance. Ainsi, 36,1% des Québécois s’estiment assez compétents pour se lancer en affaires, contre 43,2% de nos voisins. Les Québécois sont pourtant tout aussi doués pour les affaires que leurs homologues du ROC. Car le taux d’échec est pratiquement similaire.

Mais le nombre de propriétaires d’entreprises est encore plus élevé dans les autres provinces (15,7%) qu’au Québec (11,4%). Ce qui est inquiétant, car ce sont encore les PME qui emploient le plus de travailleurs et qui créent le plus de richesse dans la société. Et ce sont les PME qui sont les mieux intégrées dans le tissu économique et social régional.

Les dirigeants de la Fondation de l’entrepreneuriat travaillent activement à l’implantation d’une culture de l’entrepreneuriat au Québec, surtout chez les jeunes. Le quart des 18-34 ans a d’ailleurs l’intention de se lancer en affaires; c’est plus qu’au sein de la population en général.

« Il ressort un message clair de notre indice : les gens font confiance aux entrepreneurs et nos décideurs doivent les soutenir dans leur volonté de créer et faire croître leurs entreprises. D’autre part, il faut, individuellement, se faire davantage confiance et avoir l’audace d’entreprendre », conclut Alain Aubut, PDG de la Fondation de l’entrepreneuriat.

L’organisme tiendra une tournée panquébécoise en mai, pour expliquer les résultats de son indice entrepreneurial.

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