Votre conseiller financier a-t-il fait faillite?
Publié dans le journal en ligne Le République, 20 décembre 2012On peut lire l'article ici. Votre conseiller financier a peut-être fait faillite par le passé. Cela ne l’empêche pas de vous prodiguer aujourd’hui ses suggestions de placements ou de couverture d’assurance.Aucun règlement n’empêche cette situation. Les clients floués de Carole Morinville en 2010 avaient ainsi appris avec horreur qu’elle avait fait faillite en 1997. Elle était pourtant inscrite au registre de l’Autorité des marchés financiers (AMF).C’est que les régulateurs ont une position nuancée par rapport à cette question. Ils font la différence entre une faillite causée par une fraude ou un acte criminel grave et une autre qui peut être causée par une maladie ou un divorce.« Personne n’est à l’abri d’une tragédie personnelle. Une personne peut devenir invalide ou subir un divorce douloureux. Nous avons adopté une approche que je qualifierais d’humaine sur ce plan. Les gens ont le droit d’avoir des difficultés financières dans leur vie, peu importe leur travail », explique Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.Ce dernier précise par contre que si le conseiller fait une faillite frauduleuse, il risque la radiation.« Mais si la faillite est causée par la maladie ou un divorce, par exemple, on exigera que le travail du conseiller soit supervisé pendant quelque temps, que ce soit en épargne collective (fonds communs) ou en assurance. S’il est rattaché à une institution financière, comme une banque, une caisse populaire ou un assureur, son employeur se chargera de cette supervision. S’il est indépendant, nous allons exiger que le conseiller soit rattaché temporairement à un cabinet de services financiers. C’est ce cabinet qui supervisera son travail », ajoute M. Théberge.À la Chambre de la sécurité financière, qui encadre les conseillers financiers québécois actifs en épargne collective ou en assurance vie, on s’en remet à l’AMF pour vérifier les antécédents d’un conseiller en matière de faillite.Un « GPS de confiance »Du côté du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), on fait également cette nuance concernant la faillite d’un conseiller financier dans le passé.L’organisme, qui a créé récemment un « label éthique » pour ses membres, vient de lancer un GPS de confiance. « Il s’agit d’un répertoire qui permet au public d’accéder à un conseiller financier qui répond aux normes éthiques les plus élevées de l’industrie », déclare Léon Lemoine, vice-président et porte-parole de l’organisme.On pourra consulter ce répertoire sur le site conseillersdeconfiance.com (disponible au début de 2013) et y localiser géographiquement les conseillers inscrits.« Pour mettre au point cet outil de référence destiné au public, nous avons interrogé des victimes d’Earl Jones, de Carole Morinville, de Vincent Lacroix et du scandale Mount Real, explique Fabien Major, membre de l’organisme et blogueur financier bien connu. Nous avons remarqué certaines constantes dans les relations entre victimes et fraudeurs. Nous avons aussi consulté René Villemure, l’un des spécialistes en éthique des affaires les plus reconnus au Québec. Nous voulions cerner des éléments de confiance, d’éthique et d’intégrité pour mieux encadrer nos relations avec nos clients. »Pour s’inscrire au GPS de confiance, un conseiller doit notamment s’engager à ne pas concentrer tout son portefeuille de produits et de services chez le même fournisseur. C’est ce genre de stratégie qui a permis à Vincent Lacroix de falsifier les rapports du gardien de valeur Northern Trust, qui étaient envoyés aux régulateurs.Certains conseillers peuvent aussi être tentés de ne pas choisir les fonds en fonction de l’intérêt du client, mais dans le but de concentrer leur portefeuille pour obtenir des bonis plus élevés et gagner des concours, des cadeaux ou des voyages. Le RICIFQ a milité pour que les cadeaux et voyages soient interdits, mais certains fournisseurs en offrent quand même, car les régulateurs le permettent toujours.« Les cadeaux offerts par les firmes ou les institutions financières aux conseillers ne sont pas illégaux, du moment qu’ils respectent les normes de conformité, explique Sylvain Théberge. Évidemment, on est dans un autre registre si un conseiller mousse un produit pour obtenir un tel gain… Mais si le client a reçu la bonne information, que le produit proposé répond à ses critères, que son profil d’investisseur a été adéquatement établi et qu’il a obtenu un bon service, il n’y a pas de problème avec les cadeaux. Cette question est reliée aux meilleures pratiques, qui sont tout de même encadrées par la réglementation. »Pour être inscrit au GPS de confiance, un conseiller doit tout de même être inscrit auregistre de l’AMF et membre du RICIFQ, ne pas se placer en situation de conflit d’intérêts, ne jamais avoir déclaré de faillite commerciale dans l’exercice de sa profession, et ne pas avoir été reconnu coupable d’un crime grave (fraude, vol, vandalisme, agression, trafic, complot).De plus, le conseiller doit suivre une formation d’une dizaine d’heures sur l’éthique et passer l’examen dans les 24 mois suivant l’inscription au GPS de confiance. Il doit aussi s’engager à faire inspecter tous ses dossiers et leur pratique par l’équipe du formateur Michel Mailloux et de Déontologie.ca. Enfin, il doit faire valider une lettre d’engagement par un commissaire à l’assermentation.S’il est pris en défaut sur une ou plusieurs de ces normes, le conseiller est radié sur-le-champ du GPS de confiance.L’industrie des services financiers, notamment les cabinets indépendants, a bien accueilli l’initiative du RICIFQ. Au moins un assureur, La Turquoise, offre une prime de 5 % sur l’assurance responsabilité professionnelle à ses clients conseillers financiers s’ils ont obtenu leur label d’éthique financière du RICIFQ. L’organisme compte actuellement 500 membres. Son objectif est d’en avoir 2000 d’ici l’été prochain. Une majorité des 32 000 conseillers financiers inscrits à l’AMF travaille pour des institutions ou des firmes financières.Enfin, on peut consulter, moyennant des frais de 8 $ par recherche, le Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité du Bureau du surintendant des faillites du Canada, dont les dossiers remontent à 1978. On peut parfois retracer certaines faillites en consultant simplement Google.