Deux livres posthumes du Cartiervillois Serge Bouchard
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 16 décembre 2022On peut lire l'article ici.Il y a quelques semaines, deux livres de l’anthropologue vedette Serge Bouchard ont paru à titre posthume. Le journaldesvoisins.com (JDV) a appris qu’il les a écrits à Cartierville, là où il vivait, jusqu’à son décès, en mai 2021.À la fin de sa vie, Serge Bouchard était devenu un vieux sage. De fait, l’animateur de radio a écrit une vingtaine d’ouvrages en carrière. Le journal imprimé du JDV, le Mag Papier, y avait consacré une chronique Belle rencontre en juin 2017, reproduite en ligne en janvier 2021.Avec lui, Jean-Philippe Pleau a animé pendant plusieurs années une émission intergénérationnelle culte, C’est fou…, à la radio de Radio-Canada, dont on peut encore entendre des segments, en archives. En entrevue avec le JDV, il révèle que l’anthropologue, devenu un ami proche (ils se téléphonaient tous les jours), a écrit ses deux derniers livres en regardant le courant passer dans la rivière des Prairies, de la fenêtre de son condo de la rue de Rivoli.
« Durant la pandémie, Radio-Canada avait installé des appareils nous permettant d’animer nos émissions à domicile, reprend M. Pleau. Il a donc parlé au micro de C’est fou… en regardant la rivière des Prairies. »Serge Bouchard était très attaché à Cartierville, révèle son ami. Il y a passé une décennie, après y avoir déménagé d’Huberdeau. Il se cherchait un endroit en ville, mais avec beaucoup de verdure et d’eau. « Il en parlait comme le gars de bois qui a besoin de ses arbres », poursuit-il.En regardant le courantLa rivière des Prairies a servi de voie de communication aux Premiers Peuples. Ceux-ci se déplaçaient essentiellement en canot sur de grandes distances et ce cours d’eau avait valeur de symbole pour cet anthropologue. Rappelons qu’il a consacré une grande part de sa carrière aux Premières Nations.« Quand je lui rendais visite avec mes enfants, il me sortait des photos d’archives du parc Belmont, reprend Jean-Philippe Pleau. Son condo a été construit sur les terrains de l’ancien parc d’attractions, qu’il avait fréquenté dans son enfance. Il m’en a parlé au moins 50 fois! Serge Bouchard venait d’un milieu plus que modeste, à Pointe-aux-Trembles. Il en était fier. »Serge Bouchard, poursuit M. Pleau, avait atteint un statut politique à part. Même s’il faisait avancer ses causes, il n’était associé à aucun parti ou mouvement politique. Il est demeuré au-dessus de la mêlée. « Et il était autant à l’aise avec les milieux intellectuels qu’avec les gens ordinaires, reprend M. Pleau. Il pouvait parler hockey avec des camionneurs dans un dinner, puis donner une conférence sur l’occupation du territoire d’avant la colonisation devant 500 universitaires. »Deux livresSerge Bouchard n’a jamais pu terminer ses deux derniers livres. Ils étaient l’Amérique, le 3e tome de la série Remarquables oubliés, était très avancé lorsqu’il est décédé. Son éditeur, Lux, a fait en sorte de boucler la boucle. « Serge tenait beaucoup à ce livre, reprend M. Pleau. Il a une place à part dans sa bibliographie, car il emprunte un ton inusité, d’historien un peu en colère. Il traite de l’histoire de l’Amérique précolombienne. Pour lui, des gens comme Cartier et Colomb étaient des explorateurs un peu perdus et trop glorifiés à son goût. À ses yeux, l’histoire n’a pas mis l’accent sur les bonnes personnes. »L’autre ouvrage, La prière de l’épinette noire, constitue le 3e tome des Circuits fermés (chez Boréal éditeur). Il s’agit des derniers textes écrits pour l’émission C’est fou…
« Je l’ai aidé à sélectionner les meilleurs parmi une banque de 80 textes environ, reprend Jean-Philippe Pleau. Les auditeurs nous écrivaient souvent pour avoir accès aux versions écrites des textes qu’il lisait en ondes. Serge aurait été fier de ce titre, tiré d’un de ses textes. » M. Pleau remarque que Serge Bouchard se servait de la nature pour passer des messages aux humains.« Il disait qu’il faudrait bien qu’un jour, l’humanité vienne au monde, qu’elle soit réellement bienveillante et empathique, conclut-il. Pour lui, ce n’était pas des buzzwords [NDLR : des mots à la mode]. Il avait la curiosité de l’Autre. Il aurait voulu voir cette évolution de son vivant… »Jean-Philippe Pleau s’est entretenu avec Michel Desautels à la suite de la parution des deux livres de Serge Bouchard à l’émission Desautels le dimanche le 13 novembre dernier.
Cabaret littéraireLa fille de M. Bouchard, Lou, a étudié au Collège Mont-Saint-Louis, tout comme son paternel. Elle a participé à l’organisation d’un cabaret littéraire en hommage à son père qui a attiré environ 150 personnes au Collège, le 1er décembre. L’événement a présenté des lectures d’extraits de livres, des échanges et des témoignages sur l’œuvre et la pensée de Serge Bouchard. Cette soirée bénéfice a récolté plus de 20 000 $ pour le programme Points de vue* du Collège.
« On s’est rendu compte qu’il avait marqué le monde, reprend Jean-Philippe Pleau. Il était un peu gêné de sa notoriété de vieux sage. Quand il est mort, en mai 2021, j’ai reçu des centaines de messages de personnes qui le pleuraient alors qu’ils ne l’avaient jamais connu! »* Le programme du comité Points de vue, propulsé et financé par la Fondation du Collège Mont-Saint-Louis, regroupe des élèves ayant pour objectif la promotion de la diversité sous toutes ses formes au Collège.