Jacques Plante (1955-2022) : un architecte d’une rare intensité

Publié dans le magazine Esquisses, octobre 2022On peut lire l'article ici.

Jacques Plante, architecte connu pour ses réalisations dans le domaine de la scène, est décédé au début de juillet 2022, à 67 ans, des suites d’un cancer.

«Il était un homme de grand cœur, fidèle, préoccupé tant par ses proches que par son enseignement et sa pratique architecturale. Il était persévérant, poussait un projet jusqu’à son aboutiss­e­ment?», relate Nicholas Roquet, architecte à la Ville de Québec et conjoint de Jacques Plante, qu’il décrit aussi comme un homme d’entregent, au rire facile, mais d’une intensité qui ne plaisait pas à tout le monde.
«?Quand il étudiait à l’Université Laval dans les années?1970, il ne se trouvait pas très bon et considérait que l’enseignement n’était pas terrible, ajoute-t-il. Il s’est donné comme mission d’offrir à ses étudiants ce qu’il n’avait pas obtenu lui-même?: une incitation à se dépasser.?»
Lorsqu’il devient directeur de l’École d’architecture de l’Université Laval, en 2007, Jacques White accorde une série de postes d’enseignement à des praticiens et prati­ciennes, dont Jacques Plante. «?Dans ses réalisations, Jacques avait des marques tangibles d’interventions contemporaines dans des bâtiments anciens, révèle-t-il. Il était spécialiste, notamment dans le domaine du spectacle, et généraliste à la fois. Il était un prof passionné, se consacrait à la relève. Il poussait ses étudiants au-delà de ce qu’ils pensaient pouvoir accomplir. Pour certains, c’était difficile. Il a même créé sa propre bourse, qui récompensait les plus prometteurs. Il ne bossait qu’à une seule vitesse?: rapide. Avec lui, on avait toujours l’heure juste, même si ça faisait des flammèches.?»
L’architecte Philippe Lupien retient pour sa part son expérience avec Jacques Plante dans le projet de la TOHU, où ce dernier s’est beaucoup intéressé à la réactivité du public et à la grande tradition du cirque avec salles circulaires. Ils ont aussi travaillé à la salle des 7?Doigts de la main. «?Jacques était un pionnier en scénographie et prenait au sérieux l’expérience du spectateur, dit-il. Avec lui, on ne s’ennuyait jamais et on avait intérêt à défendre ses opinions. Son enseignement alimentait sa pratique, et vice-versa.?»
L’architecte Marc Blouin (Blouin Orzes architectes) a côtoyé Jacques Plante au sein de plusieurs consortiums et projets?: «?On a travaillé sur la TOHU avec Jodoin Lamarre Pratte architectes, ce qui nous a permis de faire le tour de l’Europe pour visiter des chapiteaux de cirque. C’était le premier projet certifié LEED au Québec, et nous évoluions en terrain inconnu. Je perds une amitié qui remonte à l’école d’architecture.?»
Marie-Chantal Croft a connu Jacques Plante à titre de stagiaire chez BBGL, un cabinet aujourd’hui disparu, où elle travaillait sur la salle de concert du Domaine Forget. Ils se côtoyaient profes­sionnellement et amicalement depuis?: «?Il a œuvré au sein de près d’une trentaine de consortiums, souvent sur des projets complexes, dit-elle. Avec les étudiants et les stagiaires, il disait qu’il faisait du tire pousse tasse. C’était sa façon d’ajuster leur travail en déplaçant systématiquement des éléments. Il était espiègle, mais exigeant.?»
Aîné d’une famille de cinq enfants, Jacques Plante naît à Québec et grandit à Beauport à une époque où les vaches paissent encore derrière la maison fami­liale. Il fait sa maîtrise au Mas­sachusetts Institute of Technology et s’établit à Montréal, où il est très proche du regretté architecte Paul Faucher, ex-codiri­geant de FABG, qu’il considère comme son mentor. Il reviendra plus tard à Québec et décrochera avec l’architecte Marc Julien le contrat de la transformation de l’ancienne caserne de pompiers Dalhousie pour en faire le siège de la compagnie Ex Machina (un chantier terminé en 1997). Son directeur artistique, Robert Lepage, déplore aujourd’hui la perte d’un précieux collaborateur, d’un homme généreux et talentueux.
La Caserne sera pour Jacques Plante une expérience marquante qui consacre son intérêt pour l’arrière-scène, la méca­nique du théâtre et même la relation du théâtre avec son public, jusque dans la rue. Suivront les nombreux projets (conçus en collaboration) qui établiront sa réputation, notamment celui de la rénovation de la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm et ceux des théâtres Périscope, La Bordée et, évidemment, Le Diamant (prix d’excellence de l’OAQ?2020 pour un bâtiment culturel), tous à Québec.
Jacques Plante est aussi reconnu pour trois ouvrages de référence, Architectures du spectacle au Québec (2011), Architec­tures de la connaissance au Québec (2013) et Architectures d’exposition au Québec (2016), tous édités par les Publications du Québec.
Au fil de sa carrière, il a remporté plus de 45?prix et distinctions.
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