Le projet de sentier sur les berges de la rivière des Prairies piétine
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 9 juillet 2021On peut lire l'article ici.
Le comité citoyen pour l’aménagement de la Promenade du Sault, qui pousse l’idée d’un sentier piéton sur les berges de la rivière des Prairies, entre les ponts Viau et Papineau, commence à s’impatienter.
On peut marcher sur les rives de la rivière des Prairies depuis le pont Viau jusqu’à l’école Sophie-Barat dans le parc Maurice-Richard.Plus à l’est, on peut circuler dans les parcs Gouin et Louis-Hébert, entre les rues Saint-Charles et Curotte, ainsi que dans le parc nature de l’Île-de-la-Visitation, à partir de l’emprise de l’autoroute 19. Mais pas entre l’autoroute 19 et le parc Louis-Hébert.
Trois résidences privées (dont une au bout de l’avenue Christophe-Colomb) et plusieurs institutions publiques sont situées sur des terrains donnant directement sur la rivière. Impossible d’y déambuler.Autrefois, la paroisse, située dans le quartier de Sault-au-Récollet, tolérait qu’on puisse fouler les berges de la rivière derrière l’église, une des plus vieilles au pays. Ce n’est plus le cas depuis des années. La propriété appartient à la Fabrique de la Paroisse de la Visitation, gérée par le curé et ses administrateurs.
« Pour le moment, la paroisse n’entend pas accorder de droit de passage, même sous forme de servitude, car elle craint les comportements inappropriés qui pourraient endommager les lieux, explique Caroline Clermont, responsable des bâtiments à l’Archidiocèse de Montréal. C’est surtout une question de responsabilité civile : une accessibilité trop facile pourrait entraîner des accidents et des poursuites. »
Mme Clermont reconnaît qu’une paroisse se doit d’être accessible. Quant à l’argument que les lieux ont été financés par des générations de paroissiens, Mme Clermont répond :
« Ça fait des dizaines d’années qu’ils ne paient pratiquement plus rien, même si notre patrimoine religieux se détériore à vue d’œil. Rien que pour entretenir l’église et les terrains, ça prend des sommes colossales. Qui paie pour tondre le gazon, payer le chauffage, les réparations ou le salaire du prêtre? Il a fallu le travail acharné des marguilliers et des subventions du gouvernement pour sauver l’église… »
L’Archevêché a également loué la résidence Ignace-Bourget à la communauté du Chemin-Neuf, une organisation dans la mouvance catholique qui en a fait une résidence étudiante et qui y tient des activités pastorales. Le responsable de la résidence n’était pas disponible pour répondre à nos questions.Il est impossible de circuler sur le terrain de cette résidence, qui est clôturé, ni sur ceux du CHSLD Laurendeau voisin, de la résidence des Frères de Saint-Gabriel et de la résidence Berthiaume-du-Tremblay. Dans ce secteur, deux propriétés privées jouxtent le parc Louis-Hébert.L’enrochementLes travaux d’enrochement destinés à solidifier le barrage Simon-Sicard, réalisés en 2020, et ceux prévus cet automne changent toutefois la donne. Ils créent un espace entre l’ancien rivage et la rivière.
« C’est techniquement possible de réaliser une promenade sur l’enrochement, reconnaît Jonathan Laporte, conseiller responsable du dossier chez Hydro-Québec. Mais il existe des contraintes liées aux droits des propriétaires riverains. L’enrochement nous appartient, certes, mais pas les rives, qui sont privées. Ça va prendre des ententes ainsi que la collaboration des propriétaires et des autorités politiques locales pour aller plus loin. »
Hydro-Québec devait tenir des consultations en juillet sur la phase II des travaux d’enrochement. Elles ont été reportées début septembre, pour un chantier prévu en 2023.
« Les arguments d’Hydro-Québec ne tiennent pas la route, analyse Brigitte Robert, agente de mobilisation pour Solidarité Ahuntsic. Les rives appartiennent déjà aux citoyens. »
Mme Robert reconnaît qu’il faut préserver la quiétude des propriétaires riverains.
« Mais des tas d’exemples d’aménagements similaires, partout dans monde, permettent de donner l’accès aux berges tout en préservant la quiétude des riverains, dit-elle. On peut faire en sorte qu’un passage piétonnier se fonde dans le décor. Plusieurs projets d’accès aux rives sont actuellement pilotés tout autour de l’île de Montréal. Pourquoi ça bloque dans notre arrondissement? »
Les membres du Comité de la Promenade du Sault, qu’encadre Brigitte Robert, considèrent que les travaux d’enrochement enlaidissent les abords de la rivière, particulièrement dans le secteur de la résidence Berthiaume-du-Tremblay et de l’école Sophie-Barat, notamment par des clôtures jugées affreuses et des aménagements « naturels » jugés cosmétiques.
« Il faut désormais qu’il y ait une mobilisation citoyenne et politique dans ce dossier, insiste-t-elle. Les élus doivent faire davantage que de voter un appui au conseil d’arrondissement. »
Des membres du comité de la Promenade du Sault, qui en compte une douzaine, qui n’ont pas voulu être nommés, ont confié au Journaldesvoisins.com que les bâtiments religieux et leurs terrains appartiennent dans les faits à la communauté, et que ceux qui en assurent l’administration ne devraient pas bloquer un tel projet. D’autant plus qu’ils bénéficient d’exemptions fiscales diverses.On se demande aussi pourquoi trois résidences privées pourraient bloquer un projet qui bénéficierait aux générations futures.Rappelons que le Comité a produit un mémoire en février dernier, à l’occasion de la consultation sur la phase I des travaux d’Hydro-Québec. Le document d’une quinzaine de pages demandait de réévaluer la qualité des travaux et d’élaborer des propositions d’aménagements basées sur des principes de développement durable et de bio-ingénierie, et d’y aménager une promenade en accès universel. On y soulignait que le projet actuellement mené par la société d’État doit répondre au critère d’acceptation sociale. Ce qui n’est pas le cas, constate aujourd’hui le Comité.Le comité de la Promenade du Sault propose enfin d’aménager, directement sur les berges, une promenade de 1,5 mètre de largeur sur environ 1,3 km. Il rappelle que 95% de ce territoire est constitué de propriétés institutionnelles et 5% de résidences unifamiliales, dont deux sont situées à 60 mètres du mur d’Hydro-Québec.