La diversité: plus que socialement responsable!

Publié dans HEC Montréal Mag, mai 2021On peut lire l'article ici.Au moment d’écrire ces lignes, les mouvements suprémacistes blancs inquiètent de plus en plus, le racisme systémique se retrouve au cœur des débats et de retentissants procès d’agressions sexuelles marquent l’actualité. L’humanité a clairement besoin de plus de leaders pour promouvoir l’ÉDI (équité, diversité, inclusion) au sein des organisations et de la société. En voici trois qui font une énorme différence au Québec. « Misersur la diversité, c’est indéniaBlement gagnant-gagnant. »REINE BOHBOT DIRECTRICE DES MESURESET SERVICES AUX INDIVIDUSAU MINISTÈRE DU TRAVAIL, DE l’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE Dévoués et Productifs Au Québec, plus de la moitié (55 %) des personnes handicapées de 15 à 64 ans aptes à travailler sont sans emploi, ce qui représente 191 430 personnes, selon l’office des personnes handicapées du Québec. En pleine pénurie de main-d’œuvre, le Québec peut-il se passer de ces talents ? D’autant plus qu’il existe un écart de 20,6 points de pourcentage entre le taux d’emploi des personnes handicapées et celles qui ne le sont pas, selon la plus récente Enquête canadienne sur l’incapacité de Statistique Canada.Reine Bohbot (B.A.A. 2005) consacre justement sa carrière à cette disparité. Directrice des mesures et services aux individus au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTIESS), elle soutient, avec son équipe, l’employabilité et l’intégration de personnes handicapées, pour la plupart bénéficiaires de programmes d’assurance-emploi, d’aide sociale ou de diverses mesures de développement des compétences. Elle offre aussi ses services aux employeurs qui bénéficient de subventions salariales et de soutien à l’encadrement, qu’ils soient des géants de l’économie ou de petites entreprises.Pourquoi les employeurs hésitent-ils à embaucher des personnes handicapées ? « Ils craignent une certaine lourdeur dans l’encadrement et des dépenses accrues pour adapter l’environnement de travail, explique-t-elle. or, ils réalisent rapidement que c’est beaucoup moins compliqué qu’ils ne le croyaient. Ils sont très surpris de la productivité de nos candidats, qui deviennent des employés à part entière, peu importe la gravité de leur handicap physique ou intellectuel. les équipes éprouvent généralement une grande fierté à travailler avec eux. » Reine Bohbot est d’ailleurs bien placée pour parler, car son équipe compte deux personnes handicapées dont elle constate au quotidien l’efficacité.« De plus, le niveau de diplomation postsecondaire augmente constamment parmi nos candidats, ajoute-t-elle. Nombre d’études ont prouvé que plus la diversité est grande au sein d’une organisation, plus l’innovation, la créativité, la productivité et l’efficacité s’accroissent. Une personne handicapée est appelée à challenger son environnement.En fait, l’entreprise finit souvent par améliorer tous ses processus d’affaires. » Certains candidats ont des limitations psychiques ou des troubles de santé mentale (anxiété, schizophrénie, troubles de la personnalité, trouble du spectre de l’autisme). « Ces personnes peuvent apporter beaucoup à une organisation, souligne Reine Bohbot. Certains autistes peuvent s’avérer des mathématiciens de génie, alors que des personnes atteintes de schizophrénie peuvent posséder des connaissances inouïes dans certains domaines. »« Miser sur la diversité, c’est indéniablement gagnant-gagnant, conclut Reine Bohbot.Ça brise le cercle de la dépendance tout en permettant à des personnes de contribuer à l’enrichissement collectif, économique et social. »

« Il y a vingt ans, la diversité passait sous le radar dans le milieu des affaires. »CAROLINE CODSIPRÉSIDENTE FoNDATRICEDE LA GOUVERNANCE AU FÉMININ
Encore ce plafond de verre !Tout au long de sa carrière qui s’échelonne sur trois décennies, Caroline Codsi(certificat en ressources humaines 1994) s’est souvent sentie bien seule. « Il y a vingt ans, la diversité passait sous le radar dans le milieu des affaires. Des mouvements comme #MeToo ou encore Black lives Matter ont énormément contribué à la sensibilisation », soutient la présidente fondatrice de la gouvernance au féminin, qui promeut le développement du leadership des femmes, leur avancement de carrière et leur accession à des conseils d’administration.« Si on ne s’entoure que de gens qui nous ressemblent et pensent comme nous, on se prive du riche point de vue de personnes issues de la diversité; tant sur le plan ethnique, générationnel ou encore du genre, elles pourraient nous ouvrir des perspectives différentes et tellement précieuses, ajoute-t-elle. C’est comme si on s’autoplaisait à se regarder dans le miroir. » C’est rassurant, mais pas très propice à l’innovation. lorsqu’un employeur embauche des dirigeants issus de la diversité, il se produit un effet d’émulation, et la productivité bondit à tous les échelons. les investisseurs institutionnels et individuels cherchent désormais des entreprises progressistes qui génèrent un meilleur rendement sur leur investissement.Mais, en 2021, qu’en est-il du fameux plafond de verre ? « on peut se réjouir de nominations comme celle de Sophie Brochu à la présidence d’Hydro-Québec ou de Kamala Harris à la vice-présidence des États-Unis, mais encore seulement 5 % des 500 plus importantes entreprises canadiennes sont dirigées par des femmes. Malheureusement, le Old Boys’ Club demeure. »Certes, une loi imposant des quotas de diversité au sein des conseils d’administration briserait ce biais inconscient au sein de l’élite du monde des affaires, mais Caroline Codsi souhaite aussi que les hommes participent à cette transformation. « Ils sont généralement fiers d’être inclusifs et cherchent des occasions de le démontrer, affirme-t-elle.Ils poussent alors davantage leurs organisations à recruter des candidates de hautniveau. » Avant tout, les femmes doivent foncer et faire leur place, répète constamment celle qui a grandi au liban pendant la guerre civile, entourée « d’hommes assoiffés de pouvoir qui ne pensaient qu’à leur intérêt personnel ».
« Un immigrant sera naturellement entrepreneur. »PAYAM ESLAMIDIRECTEUR GÉNÉRAL D’ENTREPRENDRE ICI
Miser sur l’entrepreneuriat ethnoculturel
Payam Eslami (B.A.A. 2003) est directeur général d’Entreprendre ici, un organismequi accompagne les entrepreneurs issus de la diversité ethnoculturelle dans leurs démarches pour se tailler une place dans l’économie québécoise. Son équipe, qui gère un programme de 2,8 millions de dollars sur quatre ans, a tenu plus de 2 000 séances d’accompagnement et sensibilisé plus de 4 300 entrepreneurs, en a recommandé plus de 2 700 et a accordé quelque 1 875 000 $ en bourses à 75 d’entre eux depuis 2018.« Mis à part ceux du secteur privé, le Québec compte plus de 1 000 organismes de soutien aux entrepreneurs, précise le directeur général. Pourtant, cet écosystème semble intimidant et peut même paraître inaccessible aux immigrants. on est donc là pour les accompagner dans leur parcours entrepreneurial en analysant leurs projets et en les aidant à déterminer leurs besoins. on leur facilite aussi l’accès aux divers organismes : aide au démarrage, microcrédit, institutions financières, mentorat... » Ces démarches permettent d’éviter certains angles morts, car l’entrepreneur issu de la diversité ethnoculturelle connaît parfois mal les processus d’affaires et les coutumes de sa société d’accueil. Payam Eslami en sait quelque chose, lui qui a immigré d’Iran pour s’installer ici à neuf ans : « Je me suis adapté plus facilement et plus rapidement que mes parents, qui ont recommencé leur vie à zéro dans un pays étranger dont ils ne parlaient pas la langue. »D’autant plus que l’intention d’entreprendre est plus forte chez la population immigrante que chez les Québécois de souche. « Un immigrant sera naturellement entrepreneur, soutient-il. Il veut améliorer sa vie et le risque en fait partie intégrante. D’ailleurs, il est souvent davantage marqué par le désir de réussir et d’être son propre patron. »À une époque où l’entrepreneuriat est très en vogue, les entrepreneurs issus de l’immigration ont un avantage : ils entretiennent souvent avec leur pays d’origine des liens qu’ils transforment en occasions d’affaires. Payam Eslami, qui a fait carrière en finance, notamment à la Banque Nationale, considère qu’il faut toutefois surmonter certains obstacles qui empêchent encore les entrepreneurs issus de l’immigration de faire leur marque, par exemple, l’accès au financement. « on les aide aussi à réseauter et à tisser des liens d’affaires. Pour ce faire, ils doivent surmonter des obstacles comme la langue, la culture, les préjugés, la familiarité, car ce n’est pas tout le monde qui connaît le Canadien de Montréal ou Rock et Belles oreilles », conclut-il en riant.En somme, l’équipe de Payam Eslami transforme des barrières en occasions qui profitent à la société québécoise.
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