Gabriel Koury accroche son costard après 66 ans en affaires
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 14 avril 2021On peut lire l'article ici.Véritable institution de la rue Fleury, la boutique Mode Koury a fermé ses portes samedi (10 avril), après 66 ans d’existence.Gabriel Koury n’a pas de regrets. Il a même vendu son immeuble :
« Quand tu travailles toutes ces années et que tu n’as pas de relève, c’est la chose à faire », a-t-il dit au JournaldesVoisins, installé pour quelques heures dans le commerce d’en face, Boutique Lady Farah.
En plus de six décennies, M. Koury a vu son industrie changer plusieurs fois de forme. Mais le commerce en ligne ne constituait pas une menace à ses yeux :
« La compétition, pour les indépendants, ce sont les centres d’achats, pas internet, dit-il. Et ça ne date pas d’hier. »
Des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990, M. Koury vendait beaucoup de chemises en cadeau pour la fête des Pères.
« Avec les années 1990, beaucoup de couples ont éclaté, dit-il. Depuis, il se vend beaucoup moins de chemises! »
Par contre, certaines réalités ne changent pas : ce sont encore les femmes qui habillent les hommes. M. Koury constate que 70% de ses clientes achetaient les vêtements de leur conjoint. Moins du tiers des clients étaient des hommes qui venaient par eux-mêmes.Dès 1955Gabriel Koury a commencé à 17 ans à travailler pour ses parents avec son frère et sa sœur, en 1955. Cette dernière est partie au bout d’un an : elle venait de se marier et c’était comme ça à l’époque… Les deux frères ont loué un commerce, rue Fleury, angle de la Roche, face à l’église Saint-Paul de la Croix, à l’emplacement actuel du restaurant Gi-Mo. Aux Fêtes, ils s’étendent dans le local voisin. Ils sont demeurés 18 ans à cette adresse.En 1972, ils achètent un terrain et bâtissent un immeuble offrant un local encore plus grand. En 1973, c’est le grand déménagement. En 2010, Michel Koury décède. Gabriel continue, seul à la barre.
« Pour un commerçant indépendant, être propriétaire de son local, c’est un très grand avantage, dit-il. On n’est pas à la merci du propriétaire; on n’encaisse pas de hausse subite et importante de loyer. Si j’avais un conseil aux jeunes commerçants, c’est d’acheter si possible votre bâtisse, du moment que vos recettes permettent de couvrir l’hypothèque et les dépenses. »
SolidaritéM. Koury a toujours insisté sur l’importance de se regrouper pour faire avancer les choses. Il s’impliquait depuis quelques années déjà dans les affaires de la rue Fleury lorsqu’en 1981, pendant la première vente trottoir organisée sur cette rue, une exposition de voitures anciennes attire les foules. Un de ses clients lance une phrase dont il se souvent encore :
« Mais d’où vient tout ce monde! »
Depuis, M. Koury a organisé ou participé à une trentaine de ventes trottoir estivales.
« C’est là que j’ai bien vu qu’en se regroupant, on pouvait organiser des événements qui attiraient du monde, dit-il. S’il ne se passe rien, c’est difficile pour les affaires. »
Pour M. Koury, les petits commerçants sont les grands gagnants d’être membre d’une SDC (Société de développement commercial), car ils paient moins que les grandes surfaces, mais bénéficient de l’animation, qui crée de l’achalandage.M. Koury est un des membres fondateurs de la Société de développement commercial (SDC) Promenade Fleury.
« À mon sens, M. Koury est LE pilier de l’artère commerciale qu’est devenue la rue Fleury, commente François Morin, directeur de la SDC. Il a toujours été là, avec la création d’une association de gens d’affaires, puis de la Société d’Initiative de Développement des Artères commerciales (SIDAC) Promenade Fleury, puis de la SDC. Il s’est beaucoup impliqué pour Fleury, mais il est aussi le symbole des commerçants indépendants typiques de sa génération. »
Gabriel Koury l’affirme : il était à sa place dans le commerce de détail. Il voit même cela comme sa destinée. Quand on est à son compte, on n’a aucun patron à se rapporter!Fin d’une époqueLa fermeture de Mode Koury marque la fin d’une époque : il ne reste plus de boutique pour homme sur Fleury. Un phénomène qu’on voit un peu partout.
« Il y a de moins en moins de boutiques où on offre des services de tailleur et de stylistes, et où on vend des créations québécoises, reprend M. Morin. Je vois partir M. Koury avec une certaine tristesse. Aujourd’hui, le commerce de détail est de plus en plus dominé par les grandes bannières. La relève se fait rare chez les indépendants dans le vêtement. M. Koury n’est pas seul dans sa situation. »
Sur Fleury, il reste peu de boutiques qui affichent plus de 60 ans d’activité, sauf Bijouterie Chayer, Joaillerie Aird, L’Estaminet ou la Cordonnerie Biagio.Gabriel Koury est très heureux de prendre sa retraite.
« Je vous parle et ma voiture est remplie de choses qu’on vient de sortir de mon commerce, comme le micro-ondes ou la machine à café, dit-il. Je vais pouvoir enfin sortir un peu. Avant, j’étais toujours dans ma boutique et je disais non à toutes les invitations. Désormais, je vais pouvoir dire oui! Vous savez, j’ai passé plus de temps sur Fleury qu’à la maison! »