Muriel Koukoï : innover au cœur de la tempête
Publié dans le site web de l'Indice entrepreneurial québécois, 25 mars 2021On peut lire l'article ici.
Qu’est-ce qu’on fait quand tout s’arrête à cause de la première pandémie en un siècle? On se retrousse les manches et on innove! C’est exactement ce qu’a fait Muriel Koukoï.
Q. Qu’est-ce que SIMKHA Cosmétiques?
SIMKHA est une marque de produits de soins corporels naturels, végan et qui respecte le bien-être animal. Comme pour beaucoup de projets d’entreprise, Muriel Koukoï, biologiste médicale, a fondé SIMKHA après avoir réglé une question concrète : les problèmes cutanés de son fils Lorenzo. Découragée du peu de résultats obtenus avec les produits offerts sur le marché, elle teste des recettes traditionnelles de sa mère professeure en biologie et trouve ainsi le produit miracle. Mais elle réalise aussi qu’en parallèle, elle avait le pouvoir de redonner l’estime d’eux-mêmes à des personnes aux prises avec des problèmes liés à leur apparence. Elle fonde donc sa PME en 2018 avec une gamme de produits corporels hydratants conçus à partir de beurres de karité brut, de cacao et de mangue, qui apaisent les peaux très sèches et sensibles.
Q. Depuis un an, comment résumes-tu ta vie d’entrepreneur?
Je ne vous cacherai pas que ce fut très difficile. Mais j’ai compris le sens des mots résilience et persévérance. Sur le plan financier, ce fut aussi très compliqué. J’ai dû m’adapter à une réalité implacable.
Q. Quels furent les changements pour ta compagnie avec la Covid-19?
J’ai remodelé en profondeur le modèle d’affaires. Et il s’est passé quelque chose d’extraordinaire. Avant la pandémie, 85% de nos ventes venaient de l’extérieur du Québec, surtout de l’Ontario et du reste du Canada. Avec la Covid-19, l’achat local a pris beaucoup de place. Les commandes issues des consommateurs québécois ont explosé. On a dû adapter notre façon de communiquer pour se donner davantage de visibilité dans notre marché primaire. C’est ce qui nous a permis de maintenir nos ventes et nos liquidités, tout en augmentant la notoriété de la marque.
Q. Comment s’est déroulée cette dernière année sur le plan personnel?
Sur le plan de la conciliation travail/famille, ce fut très pénible au début. L’école à la maison avec un ado, alors qu’on dirige une entreprise, ce n’est pas évident! Il faut bénéficier d’un réseau. Le tissu social avec des proches, j’ai compris que ça fait toute une différence!Dans le contexte de confinement généralisé, j’ai eu mon lot quotidien de déprime. Je dirais que les « mauvaises pensées » représentaient 25% de mes préoccupations. J’avais l’espoir de passer au travers, mais c’était difficile. Quand je me comparais toutefois avec d’autres entrepreneurs, j’entretenais l’étincelle. Mais je devais composer avec un épuisement mental et une fatigue élevés.
Q. As-tu eu du soutien, notamment gouvernemental, et a-t-il fait une différence?
Si je n’avais pas eu les accompagnements de l’accélérateur Banque Nationale HEC Montréal et certains encouragements, comme ceux du professeur Luis Felipe Cisneros Martinez, directeur scientifique du Pôle Entrepreneuriat chez HEC Montréal, je ne sais pas si je serais encore en affaires. Car même s’il y avait beaucoup de programmes d’aide gouvernementale, je tombais toujours entre deux chaises. Par exemple, je n’ai jamais pu bénéficier du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC), car SIMKHA est en démarrage. J’ai eu un prêt de 5000$ du Fonds d’aire à la relance régionale (FARR), mais j’avais demandé davantage. Sinon, je n’ai rien eu d’autre. Les gouvernements ont fait appel aux banques pour administrer leurs programmes d’aide, et elles étaient frileuses pour les startup. Ce ne sont pas toutes les PME en démarrage qui font un chiffre d’affaires de 30 000$ ou paient 20 000$ de salaires. L’idéal aurait été d’offrir des programmes de prêts avec des critères plus élargis, même avec des garanties, surtout pour soutenir les flux de trésorerie, le temps de passer au travers, notamment pour adapter le virage numérique à notre manière.
Q. Comment vois-tu le futur de ton entreprise?
Je me réjouis, car la compagnie est viable même si nous sommes au début de notre croissance. Je sais qu’on a les moyens de l’accélérer, mais on y va une journée à la fois pour générer les liquidités.C’est clair que le futur de SIMKHA passe par une forte croissance. Et par l’innovation. On va d’ailleurs mettre en place un programme d’économie circulaire pour récupérer et réutiliser nos contenants.Actuellement, on vend seulement en ligne. On travaille sur un programme d’intelligence artificielle pour améliorer l’expérience usager, afin d’orienter les ventes selon leurs besoins. Si un client visite notre site web, on lui posera des questions sur son âge, son type de peau et ses principaux besoins. Par exemple, s’il a une peau sèche et veut contrôler sa rosacée, le site lui proposera le produit qui colle exactement à ses besoins, comme s’il était dans une boutique physique.
Q. Quel fut l’impact du mentorat dans la dernière année?
J’ai vécu le mentorat de groupe et ce fut une expérience révélatrice : on réalise qu’on n’est pas seul dans notre situation. Ça permet de nous exprimer et on a la rétroaction des autres participants.Quand on est dans le feu de l’action, avec tous ces défis du quotidien, c’est un véritable tourbillon. Dans ce contexte, les mentors nous questionnent sans aucun jugement. On se sent moins seul. Et, surtout, on sort de notre zone de confort pour bénéficier d’une perspective nouvelle.Le mentorat, ça ne rapporte pas un sou. Mais ça nous donne quelque chose d’inestimable : ça renforce notre santé mentale!Le mentorat nous permet aussi de découvrir des ressources dont on ne soupçonnait pas l’existence et d’élargir notre réseau de contacts.
Q. La Covid-19 a-t-elle éteint ou allumé ta flamme d’entrepreneur?
Dans la première vague de la pandémie, je dirais que la flamme a vacillé. Mais après, ce fut tout le contraire! J’ai réalisé, au cœur de la tempête, que c’était possible d’innover, qu’on pouvait aussi répondre aux questions de la clientèle sans être physiquement présente. On a pu les servir autrement, de manière très efficace.Être entrepreneur, ce n’est pas un modèle linéaire. Il faut constamment innover. La Covid m’a permis de le faire et je lui dis merci! Entrevue réalisée et écrite par Stéphane Desjardins