Covid-19 - Des occasions à saisir?

Publié dans HEC Mag, novembre 2020On peut lire l'article ici.Pages 26 à 28NOTRE SOCIÉTÉ PEUTELLE RÉELLEMENT SORTIR GRANDIE DE LA CRISE ACTUELLE, EN SE TRANSFORMANT POUR LE MIEUX SANS POUR AUTANT NÉGLIGER LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE ? SAISIRONSNOUS COLLECTIVEMENT CETTE OCCASION? TROIS INFLUENCEURS ISSUS DE SECTEURS DIFFÉRENTS SE PRONONCENT SUR LA QUESTION.Depuis des mois, il se dit tout et son contraire sur les transformations socioéconomiques provoquées par la pandémie. Plusieurs estiment que l’humanité n’attend que le signal pour reprendre ses vieilles habitudes. D’autres saluent des phénomènes qui resteront ou s’intensifieront : télétravail, achat en ligne ou local, abandon de l’argent comptant, exode vers les banlieues et les régions éloignées, réduction de l’espace urbain réservé à l’automobile…MÛRS POUR LE CHANGEMENTGENEVIÈVE MORINPrésidente-directrice générale Fondaction (mBa 1996)« Nous n’avons pas le choix de saisir cette occasion de faire des transformations qu’on sait nécessaires depuis longtemps, soutient Geneviève Morin. Nous allons éventuellement trouver un vaccin ou des traitements contre la COVID-19, mais nous ne réglerons pas de sitôt les problèmes liés au réchauffement climatique et aux inégalités sociales. Cette crise est un avertissement. »La PDG croit toutefois que les esprits sont mûrs pour le changement : « Cette crise a  provoqué une décristallisation : individus et organisations ont fait preuve d’ouverture pour se réinventer. »Malgré le vent de droite qui souffle sur le monde, les gouvernements ont opté pour la philosophie keynésienne de sauvetage de l’économie. « Nous sommes collectivement revenus à des notions de bien commun, souligne-t-elle. Nous devons désormais profiter de ce momentum. »Le télétravail, par exemple, suppose moins de déplacements, donc, moins de pollution et de construction d’infrastructures, d’immeubles, de consommation énergétique. « Nous utilisons moins de ressources, dit-elle. La prochaine étape consistera à soutenir la mobilité durable. »Collectivement, nous devons passer chaque secteur de l’économie au crible et favoriser des solutions vertes. Fondaction montre d’ailleurs l’exemple en investissant dans les Viandes biologiques de Charlevoix, qui utilise des résidus forestiers pour chauffer ses bâtiments et de l’okara, un déchet de la production de lait de soya, pour nourrir les animaux. Le fonds est aussi impliqué dans la Coop Agri-Énergie Warwick, qui produit du gaz naturel renouvelable à partir de lisiers et de fumiers bovins mélangés à des matières résiduelles industrielles. « À force d’investir dans des entreprises qui proposent des solutions durables, nous bâtissons une véritable filière verte pour l’avenir. »Geneviève Morin insiste sur la notion de performance et de rendement. Du même souffle, elle déplore les conséquences du manque d’équité dans la société. « Nous devons inclure davantage les minorités visibles, dit-elle. Je vois la diversité comme une occasion de construire une société plus résiliente, plus juste. » Y compris au sein des conseils d’administration, où la diversité stimule ouverture et créativité. « Comme institution, nous investissons dans des entreprises qui se préoccupent davantage de gouvernance. Quand une crise frappe, elles résistent mieux », affirme-t-elle.Par ailleurs, la PDG soutient qu’une prise de conscience générale porte de plus en plus ses fruits : l’investissement et l’achat local, le développement durable et l’éthique renforcent la gestion des risques et les liens avec les employés, les clients et la communauté. La pandémie a remis en question les rapports traditionnels patrons-employés, redéfini les manières de travailler et stimulé la collaboration. « Cette crise est vécue et portée par des gens qui sont aux premières lignes, notamment dans les secteurs de la santé, de l’alimentation et du transport. On leur a demandé de garder le fort, malgré tout. Je souhaite qu’une réflexion se fasse sur la façon dont on valorise ces gens-là, leur savoir, leur connaissance du terrain », conclut-elle.CHANGEMENT D’ATTITUDEMICHEL BUNDOCKLeader sortant duGroupement des chefs d’entreprisedu québec (EmBa 2015)« L’avènement de la COVID a clairement changé les comportements en société, et plus spécifiquement en entreprise », déclare Michel Bundock. Au cours des trois mois de confinement, l’organisation, qui regroupe des entrepreneurs au sein de 240 communautés de pratiques et d’entraide, a tenu quelque 1 500 rencontres. C’est dire à quel point les dirigeants avaient besoin d’échanger et d’être soutenus.Le leader estime que la pandémie a suscité une profonde réflexion sur l’organisation du travail, bouleversé la prise de décision et créé plus d’agilité. « Les flux de communication, tout comme les processus de vente, de décision, de mobilisation et d’embauche, ont changé en accéléré. »« Cette crise a accentué la remise en question de la hiérarchie et du pouvoir au sein des organisations, poursuit-il. Le rôle du patron, c’est désormais de maintenir le cap et de donner du sens à ce qu’on fait. On tend davantage vers la gestion centrée sur les objectifs, l’autogouvernance. Steve Jobs disait qu’on n’embauche pas quelqu’un pour lui dire quoi faire, mais pour qu’il te dise quoi faire. On est rendus là. »« Plus que jamais les gens, notamment les jeunes, veulent travailler pour des organisations dont les valeurs collent aux leurs », ajoute-t-il.Et le rendement sur l’avoir des actionnaires ? Michel Bundock estime que le profit n’est pas un objectif en soi, mais une condition pour réussir. « Personne ne vit pour respirer, mais on ne peut vivre sans air, illustre-t-il. Le profit, c’est la respiration. Il permet de croître, d’innover. »Même si la crise actuelle a accéléré une prise de conscience déjà en cours chez les dirigeants, certaines mauvaises pratiques se sont amplifiées. Les changements institués dans l’urgence ont toutefois permis de saisir quelques occasions : gérer et vendre autrement, développer une relation différente avec ses employés, ses clients, ses fournisseurs et la communauté.CHANGEMENTS EN ACCÉLÉRÉKEVIN J. JOHNSONProfesseur agrégé au département de management de HEC montréal (Ph. d. management et stratégie 2010)« Toutes les crises provoquent des changements économiques, stratégiques et opérationnels durables, celle-ci encore plus que d’autres, affirme Kevin J. Johnson. À titre d’exemple, avant, on pouvait mettre deux ans à implanter un logiciel. Aujourd’hui, on a deux semaines ! Mais attention : ce n’est pas parce qu’une entreprise adopte Teams qu’elle se modernise pour autant. Le logiciel n’est qu’un outil, alors que le télétravail est un mode d’organisation qui exige autant sinon plus d’efforts sur le plan transformationnel. C’est d’ailleurs sur ces aspects que les innovateurs misent davantage. Le management par processus, objectifs et livrables en est un exemple fréquent. C’est toutefois plus facile à dire qu’à faire. »Le professeur reconnaît qu’à l’heure actuelle, la plupart des organisations sont en mode survie et agilité. Le danger, c’est de revenir aux bonnes vieilles habitudes, de ne pas réfléchir aux processus de gestion et de leadership. Il se dit à la fois optimiste pour certaines organisations et pessimiste pour d’autres. « Les initiatives en matière de gestion de crise généreront-elles des résultats pérennes ? Constitueront-elles de réelles transformations organisationnelles intégrées ? Avant la crise, on se dirigeait, parfois timidement, vers davantage d’empowerment, fait-il remarquer. Là, tout est en mode accéléré. »Le travail ne s’effectue plus de 9 heures à 17 heures, les horaires sont brisés et les employés veulent davantage de liberté. Les patrons habitués à gérer du temps s’en trouvent déboussolés.Certaines entreprises excellent à pérenniser des changements provoqués par la pandémie : « Les gestionnaires ont délégué et les employés ont pris leurs responsabilités. Des équipes ont autogéré leurs livrables pour répondre aux patrons ; ces derniers devront désormais pérenniser ces acquis, en faire des changements organisationnels durables, à la fois transformer et intégrer des cultures différentes et briser quelques silos », soutient-il.« Dans un tel contexte, plus le personnel a du pouvoir et des responsabilités, plus il développe un esprit de corps, plus il est productif, moins le contrôle bureaucratique coûte cher et plus l’entreprise peut créer de la valeur », poursuit-il. Comment assurer les acquis et profiter des occasions ? « Les cadres doivent saisir, souligner et se rappeler des petits et des grands succès, recommande-t-il. Instaurer la “nouvelle normalité“ passe inévitablement par l’empowerment du personnel. » ?

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