Le projet de métro Bois-Franc encore remis

Publié dans le Journal des voisins.com, 5 juin 2020On peut lire l'article ici.Le prolongement de la ligne orange du métro jusqu’à la station Bois-Franc, attendu depuis 50 ans, est désormais une priorité régionale, mais pas pour le gouvernement Legault, même dans un contexte de relance de l’économie post-Covid-19.Il relierait l’actuel terminus ouest de cette ligne, la station Côte-Vertu, dans le secteur Décarie, à Saint-Laurent, à la gare Bois-Franc du futur REM (l’ancienne ligne de train de banlieue vers Deux-Montagnes), angle Grenet et Dudemaine. Le prolongement, qui implique également une station angle Poirier et Grenet, figure au Plan de transport de l’arrondissement de Saint-Laurent 2018-2021.Le 11 novembre 2019, la conseillère d’Ahuntsic-Cartierville, Effie Giannou, proposait une résolution d’appui au prolongement du métro vers Bois-Franc au conseil d’arrondissement, qui fut adoptée à l’unanimité. Journaldesvoisins.com rapportait alors que le prolongement est l’un des sujets qui revenait le plus dans les échanges entre la conseillère et les citoyens du secteur.En décembre 2019, plusieurs organismes de défense de l’environnement et du transport collectif estimaient que le prolongement vers Bois-Franc était urgent, dont Trajectoire Québec et Équiterre.Le projet a spectaculairement rebondi dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Le 26 février, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en a fait une priorité de son administration.Le 5 mai, il a franchi une nouvelle étape : l’Autorité régionale de transport de Montréal (ARTM) l’a inclus dans son plan d’investissement de trois ans et de 9,2 milliards de dollars, qu’elle a soumis à Québec dans le cadre de la relance de l’économie post-pandémie.Le prolongement de la ligne orange est une des priorités de ce plan, fruit d’intenses négociations entre les maires de la région métropolitaine. Selon ce plan, l’ARTM indique qu’on pourrait lancer les études d’ingénierie et les appels d’offres dès cette année, pour un chantier qui pourrait être lancé l’an prochain!Il n’en fallait pas plus pour que la conseillère de Bordeaux-Cartierville, Effie Giannou, se réjouisse de cette décision, qu’elle considérait comme une avancée majeure, au conseil d’arrondissement du 11 mai dernier.

Déception

Le 18 juin, le gouvernement Legault a tenté sans succès de faire adopter à l’Assemblée nationale son Projet de loi 61 visant la relance de l’économie du Québec dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Le gouvernement et les partis d’opposition ne se sont pas entendus sur l’adoption du controversé projet de loi, qui accordait des pouvoirs exceptionnels à Québec lui permettant de contourner plusieurs lois en matière de protection de l’environnement et d’adjudication de contrats. L’adoption du projet de loi nécessitait l’appui unanime des partis d’opposition parce qu’il fut déposé tardivement à la fin de la session. Le vote sera repris à l’automne.Cette loi incluait une liste de 202 projets d’infrastructures jugés prioritaires. Le prolongement du métro vers Bois-Franc n’y figurait pas. Il n’est pas non plus indiqué au Plan quinquennal d’investissement du gouvernement.

« C’est pourtant un lien essentiel dans le réseau de transport collectif de la région de Montréal, commente François Pépin, président du conseil de Trajectoire Québec. On trouve ça étrange, vu que la région de Montréal en a fait une priorité. D’autant plus que les études sont terminées : on ne part pas de zéro dans ce dossier. Et c’est un projet logique quand on sait que le REM desservira bientôt ce secteur. »

La conseillère Effie Giannou n’a pas commenté ce revirement, malgré nos nombreuses demandes d’entrevue.

Plusieurs avantages

Le projet Bois-Franc présente plusieurs avantages, comparé aux autres projets de prolongement du métro proposés dans le passé, car le tunnel du métro ne s’arrête pas à la station Côte-Vertu. Il se prolonge sous la forme d’un garage sous-terrain actuellement en construction, un projet titanesque de 439 millions de $ mené par la STM, qui devrait être achevé en septembre. Il ne reste donc que 2,3 km de tunnel à creuser des 3,5 km séparant la station Côte-Vertu à la future station Bois-Franc.D’autre part, le prolongement permet une interconnexion avec la future station du REM, dont le chantier a commencé il y a quelques semaines et qui devrait rouvrir en 2020.

Construction de la station Bois-Franc (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

Cette gare comprend 742 places de stationnement automobile et 21 places de stationnement vélo. Elle est desservie par les lignes de bus 64, 126, 164, 170, 171, 215, 263, 468, 964 de la STM et les lignes 55, 144, 151 et 902 de la STL.Le prolongement permettrait de désengorger le tronçon est de la ligne orange, qui est saturée depuis des années, ainsi que le réseau routier dans le secteur Décarie, où passent 360 000 véhicules par jour et où 25% des déplacements proviennent d’un rayon de 7 km ou moins, selon une présentation du Service de l’urbanisme de Montréal datant de février.Enfin, le prolongement permettrait de desservir l’un des secteurs les plus pauvres de l’arrondissement. De fait, le quartier comprend la RUI Laurentien-Grenet, où habite un citoyen de Cartierville sur cinq, soit 11 000 habitants sur 1 km carré, une des densités les plus élevées au pays.La plus grande part du territoire de la RUI s’étend le long de la ligne du futur REM, entre les boulevards O’Brien, Lachapelle et Salaberry, et les rues Saint-Évariste et Michel-Sarrazin.Selon le CLIC de Bordeaux-Cartierville, ce secteur compte une majorité d’immigrants (65% des résidants sont nés hors du Canada) et 58% des ménages sont à faible revenu. Les jeunes et les familles monoparentales (38,6% des ménages) sont surreprésentés comparativement à la moyenne de Montréal ou de l’arrondissement. Le territoire est surtout composé d’immeubles à appartements multiples, dont plusieurs sont dans un état de détérioration avancé, voire insalubres.Le coût du prolongement n’a toutefois pas été estimé par les autorités. Mais le prolongement du métro vers Laval en 2007 avait coûté 154 millions du kilomètre, et celui de la ligne bleue vers Anjou est estimé à 1,4 milliard du kilomètre (cette dernière faisant débat).

Ça ne date pas d’hier

Le prolongement de la ligne orange vers Cartierville remonte aux années 1970. À l’époque, on envisageait que le métro se rende jusqu’au bouevard Gouin, dans le secteur des rues Lachapelle ou Grenet.Dans les années 2000, le maire déchu de Laval, Gilles Vaillancourt, fort d’avoir attiré le métro dans sa ville, s’est fait le promoteur d’un prolongement de la ligne orange à l’ouest, pour la compléter en une boucle se prolongeant sur le territoire de l’île Jésus jusqu’au Carrefour Laval.En 2013, ce projet de 11 km de tunnels comprenant sept stations, y compris celle du boulevard Gouin, avait été évalué à quatre milliards de dollars.Petit clin d’œil à l’histoire, le prolongement du métro vers Gouin reprend le tracé du train de banlieue électrique du CN, implanté à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, et qui a été abandonné en 1982. La gare de Cartierville, rebaptisée Val-Royal dans les années 1920, se branchait à la ligne de train de banlieue Deux-Montagnes/Gare Centrale (future ligne du REM). Jusqu’en 1959, l’ancienne ligne de tramway 17 empruntait aussi le même itinéraire, entre Dudemaine et Gouin, où se situait son terminus nord.

L’effet de la Covid-19

En attendant que les gens reprennent confiance au transport collectif, la Covid-19 affecte lourdement les finances des sociétés de transport en commun de la région métropolitaine, qui sont aux prises avec une baisse de leur achalandage de 90% depuis le début du confinement. La STM parle d’une baisse de 75% à bord de ses autobus et de 80% pour le métro à l’heure de pointe.L’ARTM estime à 165 millions les pertes de revenus des sociétés de transport de la région de Montréal, liées à la Covid-19, pour les mois de mars à mai. Le 18 juin, l’agence prévoyait devoir composer avec un déficit de 500 millions pour 2020. Elle n’a pas été en mesure de nous livrer les chiffres précis pour la STM ou pour l’arrondissement.

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